Chapitre 2
Vnaasyh resta de longues secondes immobile, incapable d’accepter la vérité, elle relisait la lettre à la recherche d’un indice, d’une lueur d’espoir mais la jeune femme n’y voyait qu’un chaos de signes noirs, aveuglée par ses larmes.
« Il savait, depuis le début » Symia la dévisagea d’un air suspicieux et se laissa tomber sur une chaise, elle aussi bousculée par les derniers événements.
« Ne va pas t’imaginer de telles choses, comment Balanion aurait pu prévoir la venue de cet étranger ? »
« Je l’ignore mais pourtant j’en suis persuadée, cette soirée n’avait pas pour but de me trouver un mari, c’était un adieu » Vnaasyh déchira la lettre d’un geste empli de rancœur et jeta les morceaux dans une cheminée de pierre. « Cet homme a besoin de soin et il est mon hôte alors je me dois de l’aider »
- Mais…
- Non Symia, je ne laisserais pas mon chagrin et ma colère tuer ce pauvre. Rentre chez toi mon amie, tu as besoin de repos. » Darlik descendit les marches de l’escalier d’un pas lourd, il semblait perdu dans ses pensées.
« Il est gravement blessé, tu devrais le soigner au plus vite, veux-tu que je reste ici en attendant ? » Vnaasyh défia la soubrette de ses yeux vairons et se leva en direction de l’homme d’arme. Par un immense effort de volonté elle parvint à garder son sang froid, non, il ne reviendra pas.
« Merci mon bon Darlik mais je n’aurais pas besoin des tes précieux services » La jeune femme posa une main douce sur l’épaule de guerrier et grimpa à l’étage sans un regard en arrière.
Vnaasyh s’arrêta au pas de la porte, elle craignait ne pas supporter la vue du sang, la vue des blessures. Une image d’un corps sans vie traversa son esprit, la fille de Balanion ouvrit la porte d’une main déterminée.
L’étranger gisait sur le lit, toujours inconscient. Son manteau de voyageur semblait avoir connu une période de vie paisible et de gloire mais toute richesse avait disparue, la noblesse de l’être n’était plus qu’un souvenir usé par le temps, les couleurs chatoyantes avait laissée place à la boue et au sang.
Vnaasyh pris une profonde respiration et s’approcha d’un pas silencieux. Une épaisse barbe noire dévorait le visage de l’homme, il semblait serein malgré les souffrances qu’il avait du endurer pour venir jusqu’à Valnah.
De ses doigts agiles elle ouvrit la tunique en prenant soin de ne pas aggraver les blessures. La jeune femme étouffa avec difficulté un sanglot à la vue des plaies béantes, le torse du malheureux se soulevait difficilement, chaque respiration était une nouvelle épreuve. Une larme de chagrin coula sur la peau douce de Vnaasyh, qu’avait fait cet homme pour mériter un tel traitement ?
« Reste en vie je vais m’occuper de toi, je te le promets »
A peine rassurée par cette promesse elle quitta la pièce et descendit les marches précipitamment. La jeune femme ne put s’empêcher de regarder la marque sanglante sur le sol, elle maudit la folie des hommes et remplit un chaudron d’eau avant de l’accrocher à quelques centimètres du feu de la cheminée.
Vnaasyh s’assit en tailleur devant l’âtre, la danse des flammes la fascinait et la rassérénait, elle ne voulait surtout pas repenser au départ de Balanion et l’arrivée de l’étranger, l’idée que ces événements soient liés la terrorisait mais elle ne pouvait nier l’évidence. Elle reflua de sombres pensées d’un faible soupir.
Quand l’eau fut assez chaude la jeune femme se releva et emporta le chaudron au chevet du blessé. Elle plongea un linge propre dans le liquide et nettoya méticuleusement les blessures de l’homme.
Après plusieurs minutes pesantes les plaies avaient retrouvées un aspect sain. Vnaasyh entreprit de nettoyer le visage paisible de l’étranger sans parvenir à détourner ses yeux vairons, tant de questions se bousculaient dans son esprit fatigué. Qui était-il ?
La jeune femme souleva précautionneusement le fourreau attaché au dos de la tunique. Elle hésita quelques instant avant de libérer l’objet. D’une main maladroite elle tendit l’arme à bout de bras, la fille de Balanion dut user de ses deux membres afin de ne pas lâcher la lourde épée. La lame était fine mais mesurait au moins un mètre. Le tranchant était parfaitement lisse et ne laissait aucun doute sur sa qualité. Des motifs étranges sillonnaient le métal bleuté, Vnaasyh détailla avec plaisir les courbes sinueuses de ce qui lui semblait être une langue inconnue, qu’elle message pouvait porter une arme si belle ? La poignée était décorée des même signes, elle semblait faite d’or massif.
La fille de Balanion se surpris à éprouver du plaisir à brandir un tel engin de mort, l’inconnu l’attirait tel un désir malsain mais tellement délicieux. Cet homme avait voyagé et occis de nombreux ennemis de sa lame, elle était sa meilleure amie, sa seule amie. Vnaasyh parvint à sortir des ses rêveries et posa délicatement l’objet sur un meuble.
Elle enleva les derniers pans de sa tunique en préservant sa pudeur et le recouvrit d’un épais drap. La jeune femme jeta un dernier regard à son hôte et gagna sa chambre. Ereintée par cette soirée mouvementée Vnaasyh s’allongea et plongea aussitôt dans un sommeil sans rêve.
Le jour se leva bien trop tôt, les puissants rayons du soleil s’infiltrèrent sournoisement dans la maison de Balanion. Le village s’animait peu à peu, la vie reprenait son cours lentement, la nouvelle de la disparition du maire n’allait pas tarder à se répandre. Les badauds et autres curieux ne tarderaient pas à venir rendre visite à sa fille, à envier encore d’avantage sa richesse, réclamer maints récits de la venue de l’étranger ou simplement découvrir l’existence de la fille du noble.
A cette pensée la jeune femme tenta de se cacher dans son lit, hélas l’astre de lumière ne comptait pas la laisser rejoindre le monde des songes. Un cri rageur retentit, un oreiller vint percuter l’armoire, Vnaasyh se leva et s’habilla dans la précipitation dans l’espoir de chasser de nombreuses pensées désagréables, elle devait sauver son hôte, rien ne comptait plus que sa survie.
Après une toilette minutieuse elle rendit visite à son invité. Depuis la veille l’homme n’avait pas bougé, toujours enfermé dans un rêve qui jamais ne voulait finir. Les blessures semblaient s’être un peu guéries durant la nuit, même la peau avait retrouvée une couleur plus saine. Vnaasyh ne s’attarda pas et descendit dans la cuisine après avoir abreuvé l’inconnu.
Une odeur entêtante de menthe parvint à réveiller la jeune femme. Une note manuscrite était déposée auprès d’un plateau de victuaille sur une petite table de bois. Une tasse de thé envahissait la pièce de son arôme délicieux.